Résumé : |
Chronos, le temps absolu et universel, est devenu le facteur prépondérant d’une médecine fondée sur l’efficacité et le résultat. Pourtant la perception du temps reste subjective et propre à chacun, patients comme soignants. Il existe ainsi un temps opportun chargé de sens, à la confluence des contingences que l’on appelle le kaïros. Saisir le kaïros revient à prendre la décision ni trop tôt ni trop tard mais à l’exact bon moment. Le soin est ainsi une question de temps mais aussi une question d’opportunité. Mais le kaïros ne saurait être défini par la recherche du meilleur moment pour instaurer un traitement selon telle procédure sans prendre en compte la singularité de la relation médecin–malade. Malheureusement les soignants sont confrontés à un dilemme permanent entre administrer des soins techniques et construire un accompagnement en fin de vie dans le respect de la dignité de la personne. Saisir le kaïros suggère un retour à soi et aux autres, une attention à l’inattendu et à l’inentendu. Enfin une approche multidisciplinaire de la prise en charge pourrait permettre de construire l’émergence du kaïros : une confrontation des regards afin de décider en l’instant favorable. Nous manquons de chronos pour reconnaître le kaïros, et nous manquons trop souvent le kaïros au sein du chronos. Décider au moment opportun appelle une préservation de l’espace-temps nécessaire à l’épanouissement d’une éthique du soin. |